BITCOIN FACE AUX CBDC : LA LIBERTÉ SOUS SURVEILLANCE

BITCOIN FACE AUX CBDC : LA LIBERTÉ SOUS SURVEILLANCE

L’argent n’est plus ce qu’il était. Jadis, il avait une odeur, celle du métal lourd que l’on sortait d’un coffre, celle du papier usé qui passait de main en main. Il avait une matérialité, une limite, une résistance. Aujourd’hui, l’argent est devenu une ligne de code dans un écran, une dette écrite dans les registres d’une banque, une illusion comptable que l’on manipule par un clic. Mais la transformation ne s’arrête pas là. Car les gouvernements et les banques centrales ne veulent pas seulement administrer l’argent, ils veulent en prendre le contrôle absolu. Les monnaies numériques de banque centrale, ces CBDC qui se déploient déjà en Chine et se préparent en Europe et aux États-Unis, sont l’aboutissement logique de ce processus. Elles ne sont pas de simples innovations techniques. Elles sont l’ultime mutation de la monnaie en outil de surveillance.

Les CBDC sont présentées comme une modernisation nécessaire. On nous parle de paiements plus rapides, de réduction des frais, de lutte contre la fraude. C’est le discours officiel, emballé dans un jargon rassurant. Mais derrière cette façade, il y a une autre réalité, beaucoup plus sombre. Une CBDC, c’est un argent qui ne t’appartient plus. Ce n’est pas une pièce dans ta poche ni un billet que tu caches sous ton matelas. C’est une ligne gérée par l’État, accessible en temps réel, modifiable à volonté. C’est une monnaie programmable. L’autorité qui la contrôle peut décider où, quand et comment tu as le droit de l’utiliser. Elle peut imposer une date de péremption à ton salaire, limiter tes achats selon ta catégorie sociale, bloquer ton compte si tu déplais. C’est un monde où l’argent cesse d’être neutre pour devenir un instrument de discipline.

La Chine a déjà montré la voie. Le yuan numérique est testé à grande échelle, relié au système de crédit social. Les citoyens voient leurs comportements récompensés ou sanctionnés, et leur argent suit cette logique. Soutiens le régime, ton argent circule. Dévie, critique, manifeste, et ton argent s’évapore. Tu n’as pas besoin de prison quand tu as le contrôle total de la monnaie. L’Europe n’en est pas encore là, mais l’euro numérique est en préparation. Les discours sont policés, les promesses rassurantes, mais le principe est le même. Un argent centralisé, géré par la BCE, où chaque transaction passe par un filtre.

Dans ce contexte, Bitcoin apparaît comme une anomalie, une dissidence technologique qui refuse la logique du contrôle. Il n’est pas né d’un État mais d’une communauté. Il n’est pas administré par une banque centrale mais par un réseau décentralisé. Il ne dépend pas de la confiance dans une institution mais de la confiance dans un code open-source et dans une mécanique de preuve de travail. Il est incorruptible parce qu’il ne repose pas sur des promesses humaines mais sur une architecture mathématique. En théorie, Bitcoin est la sortie parfaite de cette dystopie monétaire. C’est une monnaie que personne ne peut censurer, que personne ne peut bloquer, que personne ne peut confisquer sans les clés privées.

Mais la liberté absolue de Bitcoin ne signifie pas que ses utilisateurs sont libres. Et c’est là que le paradoxe apparaît. Les États savent qu’ils ne peuvent pas détruire Bitcoin. Ils savent qu’ils ne peuvent pas éteindre un réseau mondial distribué sur des milliers de nœuds. Alors ils déplacent le combat. Ce n’est pas Bitcoin qu’ils ciblent, mais les humains qui s’en servent. Et pour cela, ils déploient l’arme préférée des bureaucraties modernes : la loi.

En Europe, la réglementation se déploie comme une toile d’araignée. MiCA, le fameux règlement sur les marchés des crypto-actifs, est présenté comme un cadre pour protéger les investisseurs et sécuriser le secteur. Mais en pratique, c’est une série de verrous. Les plateformes doivent se plier à des exigences strictes de conformité, de capital, de surveillance. Les acteurs non enregistrés sont marginalisés. L’innovation indépendante est étouffée. MiCA ne détruit pas Bitcoin, il encercle ses utilisateurs dans un enclos réglementaire.

Puis vient DAC8, la directive fiscale qui impose une déclaration systématique de toutes les transactions crypto. Peu importe leur taille. Que tu envoies l’équivalent de dix euros ou de dix mille, l’information doit être transmise aux autorités. Chaque mouvement est fiché, chaque transfert est un rapport. La logique de la présomption de culpabilité s’installe : si tu utilises Bitcoin, tu dois prouver que tu n’as rien à cacher.

Et il y a la Travel Rule, cette règle qui exige que chaque transfert de crypto soit accompagné des données personnelles de l’expéditeur et du destinataire. Tu n’envoies plus seulement des satoshis, tu envoies ton identité avec eux. Comme si tu glissais ta carte d’identité dans chaque enveloppe, à chaque transaction. Ce qui était censé être une monnaie neutre et libre devient un vecteur de traçage permanent.

Cette logique transforme Bitcoin en une monnaie paradoxale. Sur le plan technique, il reste incorruptible. Mais sur le plan humain, il est encerclé. Tu peux posséder tes clés, mais tu deviens suspect si tu refuses de passer par les rails officiels. Tu peux utiliser un nœud personnel, mais tu risques d’être isolé si tu n’entres pas dans le système déclaré. Les régulateurs ont compris qu’il est inutile de casser le protocole. Il suffit de rendre la vie impossible à ceux qui veulent l’utiliser librement.

C’est exactement la logique orwellienne. Dans 1984, il ne s’agissait pas seulement d’interdire, mais de rendre la liberté impensable, impraticable. La surveillance ne se limitait pas à observer les actes, elle colonisait la pensée elle-même. Aujourd’hui, avec les CBDC et la réglementation crypto, nous voyons la même mécanique appliquée à l’argent. Tu n’as pas le droit de posséder sans être fiché. Tu n’as pas le droit de transférer sans être tracé. La liberté devient une infraction.

Imagine un futur proche. Tu reçois ton salaire en euro numérique. Ton compte est directement lié à la BCE. Chaque dépense est enregistrée. Tu veux acheter un billet de train pour rejoindre une manifestation. Ton paiement est refusé. Tu veux envoyer un don à une association qui défend des causes jugées sensibles. Ton argent est bloqué. Tu veux retirer des espèces pour garder un peu d’autonomie. Les espèces ont disparu, remplacées par des CBDC obligatoires. Tu n’as plus d’échappatoire. L’argent n’est plus neutre, il est devenu la laisse numérique de ton existence.

Dans ce futur, Bitcoin subsiste comme une alternative. Mais une alternative risquée, surveillée, criminalisée. Les utilisateurs sont fichés, les transactions scrutées, les échanges surveillés. Les passerelles entre fiat et Bitcoin deviennent des postes de douane numériques. Et toi, simple hodler, tu deviens un suspect permanent, un dissident financier.

Pourtant, c’est dans cet inconfort que réside la vraie liberté. Bitcoin n’a jamais promis la facilité. Il a promis l’indépendance. Les cypherpunks qui l’ont rêvé savaient que la surveillance serait totale, que les gouvernements utiliseraient la technologie pour construire des cages invisibles. Ils ont bâti Bitcoin comme une arme pacifique, un outil de résistance silencieuse. Chaque bloc miné est une victoire contre le contrôle. Chaque transaction validée sans permission est une gifle à Big Brother.

La question est donc celle du courage. Sommes-nous prêts à affronter l’inconfort pour préserver la liberté, ou préférons-nous la cage dorée des CBDC ? La majorité choisira probablement le confort. La rapidité, la sécurité, la facilité. Mais une minorité, même petite, peut suffire à maintenir la brèche ouverte. Bitcoin n’a pas besoin d’une majorité pour fonctionner. Il suffit qu’il tourne, que des individus le portent, que des blocs continuent de tomber toutes les dix minutes.

Alors, il ne s’agit pas seulement d’un choix économique mais d’un choix existentiel. Veux-tu être un rouage dans la machine de surveillance, ou un être humain capable de dire non ? Les CBDC transformeront la monnaie en instrument de discipline. Bitcoin peut la maintenir comme instrument de liberté. Mais seulement si nous l’utilisons ainsi, avec lucidité, avec courage, avec persévérance.

Le combat n’est pas futuriste, il est déjà là. L’Europe vote ses lois. La Chine teste son système. Les États-Unis débattent. La surveillance avance. Bitcoin existe. La faille est encore ouverte. Mais elle se rétrécit. À chacun de choisir de la franchir ou de rester de l’autre côté, dans la cage des illusions sécuritaires.

Et pourtant, tout cela n’est pas une fatalité. Chaque génération a son épreuve, et la nôtre est celle de la monnaie. Nos parents ont cru que l’argent papier était une évidence, nos grands-parents croyaient que l’or était éternel. Nous savons désormais que rien n’est acquis. Mais nous avons une arme que les autres n’avaient pas. Bitcoin n’est pas seulement une invention technique, c’est une déclaration de guerre pacifique contre le contrôle. C’est le feu volé aux dieux, l’étincelle que chacun peut porter sans demander de permission. Les CBDC seront peut-être imposées, MiCA et DAC8 enfermeront peut-être l’Europe dans une cage réglementaire, mais tant qu’un seul bloc sera miné, tant qu’une seule clé privée existera, la liberté sera encore possible. Nous n’avons pas besoin d’être tous, il suffit d’être assez. La faille est là, et tant que nous la gardons ouverte, Big Brother n’a pas gagné. Bitcoin est l’ultime rappel que même face à l’évidence de la servitude, l’homme peut toujours choisir la souveraineté.

 

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