
LA TYRANNIE DES STABLECOINS : UNE FAUSSE SÉCURITÉ
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Dans un monde qui tangue, où la valeur se dissout et où la monnaie fond comme la glace au soleil, la promesse de stabilité résonne comme une chanson douce. Un mot magique s’est imposé : stablecoin. Il rassure, il apaise, il donne l’impression de pouvoir enfin souffler dans un univers chaotique. Pour beaucoup, ces cryptomonnaies adossées au dollar sont devenues l’outil rêvé pour naviguer entre la finance classique et le monde numérique. Une sorte de passerelle idéale, un abri temporaire dans la tempête. Mais ce refuge est un leurre. Car ce que les stablecoins vendent comme de la stabilité, ce n’est rien d’autre que la reconduction maquillée du vieux système. Un fiat réincarné, reprogrammé, mais toujours aussi toxique. Le dollar, avec ses chaînes, sa dette, son contrôle, ses illusions. Juste habillé de neuf.
Les stablecoins ne sont pas des cryptomonnaies. Pas dans le sens philosophique du terme. Ils ne remettent rien en cause. Ils ne brisent aucun monopole. Ils ne dérangent pas les banques centrales. Au contraire, ils les prolongent. Ils leur offrent même un second souffle. En clonant le dollar sur la blockchain, en lui offrant mobilité, vitesse, accessibilité, ils lui redonnent une pertinence technologique qu’il était en train de perdre. Le dollar s’effondre dans le monde réel, mais il renaît dans le monde virtuel. Le fiat meurt dans les bilans des États, mais il ressuscite dans les wallets numériques. Ce que les stablecoins appellent stabilité, c’est la perpétuation d’un système déjà en train de tomber en ruine.
Et cette ruine, elle est bien réelle. Le dollar n’est plus adossé à rien depuis 1971. Sa valeur dépend uniquement de la confiance qu’on lui accorde, de la capacité des États-Unis à imposer leur domination militaire, diplomatique, économique. Depuis des décennies, il est imprimé à volonté, dilué, manipulé. Il est devenu un outil de pouvoir autant qu’un outil d’échange. Et pourtant, c’est ce même dollar que les stablecoins choisissent d’imiter, de suivre, de servir. Il n’y a pas là une révolution, mais une soumission.
Le plus tragique, c’est que beaucoup croient y voir un progrès. Dans les pays où la monnaie locale se désintègre, où l’hyperinflation transforme les salaires en poussière, où les banques verrouillent les comptes, l’USDT est perçu comme une libération. Au Liban, au Nigeria, en Argentine, au Venezuela, les gens se ruent sur les stablecoins pour protéger ce qu’ils peuvent de leurs économies. Et on les comprend. À court terme, ils permettent de respirer. D’échapper à un enfer immédiat. Mais cette bouffée d’oxygène ne fait que retarder l’asphyxie. Car l’USDT n’est pas une solution. C’est un substitut. Une dépendance de remplacement. On passe d’une monnaie locale malade à une monnaie globale cancéreuse. Ce n’est pas une sortie du système. C’est un transfert de servitude.
La souveraineté monétaire ne se gagne pas en changeant de geôlier. Elle ne se construit pas en adoptant une monnaie étrangère, surtout quand cette monnaie elle-même est en phase terminale. Ce que les stablecoins entretiennent, ce n’est pas une révolution monétaire, mais une colonisation numérique. Un impérialisme discret, mais redoutablement efficace. Là où les armes et les banques n’arrivent plus à imposer le dollar, la blockchain prend le relais. Ce n’est plus l’US Army. C’est USDT.
Et ce n’est pas un hasard si les institutions financières, les grands fonds, les régulateurs, les États autoritaires tolèrent les stablecoins bien plus qu’ils ne tolèrent Bitcoin. Parce que les premiers ne bouleversent rien. Ils sont contrôlables, gelables, traçables. Ils sont émis par des entreprises, avec des bureaux, des dirigeants, des comptes en banque. Ils peuvent être réglementés, bloqués, soumis. Bitcoin, lui, ne répond à personne. Il n’obéit pas. Il est un protocole sans tête, sans maître, sans porte d’entrée. Et c’est précisément ce qui le rend dangereux pour ceux qui tiennent les rênes.
Les promoteurs des stablecoins aiment répéter que ces outils sont neutres. Juste des instruments de paiement pratiques, efficaces, adaptés à la finance décentralisée. Mais cette prétendue neutralité s’évapore dès qu’un pouvoir intervient. Tether a déjà gelé des adresses. Circle aussi. Demain, si une pression politique s’exerce, les émetteurs pourront suspendre des comptes, bloquer des fonds, désactiver des portefeuilles. Un stablecoin n’est pas une promesse cryptographique. C’est une promesse commerciale. Elle tient tant que le marché le veut bien. Elle peut se briser à tout moment.
Le plus grand piège, c’est l’habitude. On s’habitue vite à l’idée d’avoir une “crypto” qui ne bouge pas. Qui garde sa valeur. Qui facilite les transferts. Qui se comporte comme un dollar, mais sans les banques. Alors on l’utilise. On construit des services autour. On bâtit toute une économie sur ce socle bancal. Et sans s’en rendre compte, on rend le dollar encore plus puissant. On renforce les mécanismes du contrôle monétaire. On s’enfonce dans une nouvelle dépendance, mais cette fois plus profonde, plus globale, plus difficile à identifier.
Et pendant que tout cela se normalise, les banques centrales avancent leurs pions. Elles observent, testent, apprennent. Elles regardent comment les stablecoins fonctionnent, comment les gens les adoptent, comment les flux circulent. Et bientôt, elles proposeront leur propre version : les CBDC. Des stablecoins d’État. Adossés à la monnaie officielle. Gérés directement par la banque centrale. Connectés à l’identité numérique. Programmables. Géolocalisables. Périssables. Totalement contrôlables.
Le stablecoin est un cheval de Troie. Il familiarise les masses avec l’idée d’une monnaie numérique non physique. Il rend acceptables les interfaces, les pratiques, les réflexes. Puis un jour, on leur proposera une version “officielle”, “garantie”, “sécurisée”. Et ceux qui auront adopté les stablecoins avec enthousiasme embrasseront les CBDC avec résignation. Ce qui semblait être une avancée vers la liberté deviendra le socle d’un contrôle absolu.
On assiste donc à une inversion subtile mais brutale : la technologie censée nous libérer est utilisée pour nous relier plus solidement à ceux qui nous tiennent en laisse. L’arme de la libération est retournée contre les peuples. Et dans ce décor, les stablecoins sont les agents doubles. Ils parlent le langage de la crypto, mais servent les intérêts du fiat. Ils empruntent les outils du changement pour cimenter la continuité. Ils donnent l’illusion de la nouveauté alors qu’ils perpétuent l’ancien monde.
Et c’est là qu’intervient la seule véritable rupture : Bitcoin. Lui ne fait pas de promesses creuses. Il ne promet pas la tranquillité immédiate, ni la stabilité artificielle. Il ne cherche pas à reproduire le monde d’avant avec un code plus moderne. Il propose autre chose. Une monnaie sans banque. Une monnaie sans frontière. Une monnaie sans dilution. Il est instable à court terme, c’est vrai. Mais il est prévisible à long terme. Il ne garantit pas le confort, mais la souveraineté. Il ne protège pas du risque, mais il vous rend responsable. Il ne suit pas le dollar, il s’en émancipe.
Bitcoin ne dépend de personne. Il ne se gèle pas. Il ne se confisque pas. Il ne se ferme pas le week-end. Il n’obéit à aucune banque centrale. Il n’est la dette de personne. Il n’existe pas pour servir l’ordre établi. Il existe pour offrir une sortie. Une vraie. Une qui n’est pas adossée à un mirage, mais à un code. Une qui ne promet pas de l’ordre, mais de la liberté.
Et c’est justement ce que les stablecoins ne pourront jamais offrir. Parce qu’ils sont nés pour reproduire. Pas pour créer. Parce qu’ils rassurent là où il faudrait déranger. Parce qu’ils nous maintiennent là où il faudrait partir. Parce qu’ils ressemblent au changement, mais qu’ils en sont l’antidote. À chaque fois qu’un utilisateur remplace sa monnaie locale par des stablecoins, il renforce le dollar. À chaque fois qu’une plateforme privilégie l’USDT comme unité de compte, elle tourne le dos à la décentralisation. À chaque fois qu’un wallet se remplit de fiat numérisé, c’est une victoire pour le système que l’on prétend combattre. La vraie résistance n’est pas dans le confort. Elle est dans la rupture. Dans l’inconfort du long terme. Dans la patience, la conviction, l’autonomie.
Bitcoin est cette ligne de fracture. Il ne vous tient pas la main. Il vous donne les clés. Il ne vous guide pas. Il vous libère. Et dans un monde où tout est surveillance, dépendance, dilution, cette libération est une nécessité vitale. Ce n’est pas une mode. Ce n’est pas un actif. Ce n’est pas un outil parmi d’autres. C’est une sortie. Un exil volontaire. Un refus radical. Une déclaration d’indépendance monétaire. Et tant que nous continuerons à confondre les fausses sécurités avec les vraies libertés, les stablecoins continueront de gagner du terrain. Jusqu’au jour où il ne restera plus rien de l’esprit cypherpunk, plus rien de la promesse initiale, plus rien de ce souffle de révolte qui a donné naissance au Bitcoin.
Ne soyons pas les architectes d’un nouveau piège. Refusons les chaînes, même dorées. Même numériques. Même temporaires. Car à la fin, c’est toujours le système qui gagne si l’on joue avec ses règles.
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