
LE DILEMME DU HODLER : VIVRE SANS VENDRE SON BITCOIN
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Il y a une scène qui ne quitte plus l’esprit de ceux qui l’ont vue. Un homme monte sur scène, hoodie noir, jean noir, silhouette tendue, déterminée. Il ne vient pas livrer un discours corporate. Il ne vient pas faire le show. Il vient livrer quelque chose de plus brut, de plus vrai. Quelque chose comme un aveu. Devant une salle comble, à Las Vegas, Jack Mallers ne parle pas au nom d’une entreprise, mais au nom d’une génération. Celle qui a découvert Bitcoin, qui y a cru, qui l’a accumulé, parfois contre vents et marées, mais qui aujourd’hui se heurte à une question bien plus difficile qu’il n’y paraît : que faire quand on n’a plus rien… sauf du Bitcoin ?
Car tout commence ici. Dans cette situation presque absurde. Jack, le fondateur de Strike, visage connu du monde Bitcoin, raconte son propre moment de bascule. Janvier dernier, il ne lui reste littéralement plus un dollar. Pas de quoi acheter à manger, pas de quoi régler un loyer. Il a du Bitcoin, oui. Il en a même beaucoup. Mais il a besoin de liquidités. Il a besoin de vivre. Et alors surgit ce qu’il appelle "le dilemme du hodler". Vendre ? Mais vendre quoi ? Vendre l’unique actif qui monte pendant que tout le reste baisse ? Vendre un morceau de futur pour survivre au présent ? L’ironie est brutale. Ceux qui ont compris le plus tôt, ceux qui ont cru le plus fort, se retrouvent parfois à devoir sacrifier leurs convictions, non pas par trahison, mais par nécessité.
Ce dilemme, on le connaît tous, même si on n’en parle pas. Il est ce moment discret où l’on ouvre son portefeuille, où l’on regarde ses sats, et où l’on se demande : est-ce que je peux encore tenir ? Est-ce que je vends un peu pour payer les factures ? Est-ce que je garde tout et je serre les dents ? C’est une tension intime, silencieuse, mais omniprésente. Et Jack la met enfin en mots. Il brise le tabou. Parce que oui, il y a une contradiction au cœur de cette aventure. Bitcoin est une arme contre le système Fiat. Une révolution silencieuse. Une promesse de souveraineté. Mais dans un monde où tout coûte plus cher, où le crédit est roi, où les salaires stagnent et où les rêves deviennent inaccessibles, cette arme peut parfois sembler inutilisable. Que vaut la liberté si elle nous condamne à l’isolement, à la survie, à l’abstinence permanente ? Peut-on vraiment tenir sans jamais rien céder ?
Alors Jack remonte le fil. Il démonte les fondations du système monétaire traditionnel. Le dollar, dit-il, est un piège. Depuis plus de cent ans, depuis la création de la Réserve fédérale, il s’effondre lentement. Il ne protège plus rien. Il ne garantit plus rien. Il appauvrit. Il contraint. Il pousse chacun à emprunter, à s’endetter pour vivre ce qui, jadis, relevait de la norme. Une maison. Des études. Une voiture. Tout passe désormais par la dette. Le cycle est connu : plus on imprime, plus la monnaie se déprécie. Plus elle se déprécie, plus la vie devient chère. Plus la vie devient chère, plus on s’endette. Et pendant ce temps, les plus riches, eux, s’enrichissent encore. Parce qu’ils possèdent des actifs. Parce qu’ils jouent à un autre jeu. Un jeu dans lequel le citoyen lambda est toujours perdant.
Face à ce constat, Bitcoin apparaît non pas comme une mode ou une spéculation, mais comme une réponse. C’est un refus. Une rupture. Une alternative. C’est une monnaie qu’on ne peut pas falsifier. Qu’on ne peut pas imprimer à volonté. Qu’on ne peut pas contrôler depuis une tour d’ivoire à Washington. C’est un code ouvert, accessible, incorruptible. Une promesse que, cette fois, l’histoire ne sera pas écrite par les banques centrales. C’est pour cela qu’on y croit. C’est pour cela qu’on l’achète, semaine après semaine, comme une épargne de résistance. Et c’est pour cela aussi qu’on ne veut pas le vendre.
Mais vouloir ne suffit pas toujours. Il y a les rêves, et puis il y a la vie. Il y a l’idéalisme, et puis il y a les factures. Jack Mallers, sur scène, ne joue pas au martyr. Il raconte simplement une réalité partagée. On veut se marier, fonder une famille, acheter une maison, lancer une boîte. On veut vivre. Et c’est là que le hodler se heurte à son destin. Peut-on tout garder sans jamais rien toucher ? Ou faut-il faire ce que tant d’autres ont fait avant nous avec leurs terres, leurs immeubles, leurs actions ? Ne pas vendre. Emprunter. Mettre en collatéral. Bâtir sur ses actifs au lieu de les liquider.
Ce n’est pas une idée nouvelle. C’est même l’une des plus anciennes. Les pionniers de Manhattan, les familles qui ont bâti New York, les barons du XIXe siècle… tous ont utilisé la même méthode. Ils ne vendaient pas. Ils utilisaient la valeur de ce qu’ils possédaient pour emprunter, investir, construire. Ils ont compris une chose simple : un actif rare ne doit pas être échangé contre du papier. Il doit être protégé, transmis, utilisé avec intelligence. Et c’est là que Jack Mallers bascule du rôle de témoin à celui de bâtisseur. Il ne se contente pas de décrire le dilemme. Il propose une solution. Strike, son entreprise, lance une plateforme de prêts garantis par du Bitcoin. Pas de réhypothécation. Pas de combine douteuse. Juste une promesse claire : tu poses ton Bitcoin en garantie, tu obtiens du cash, tu peux vivre sans vendre.
Dans sa bouche, ce n’est pas une annonce marketing. C’est un acte de foi. Strike détient aujourd’hui 1500 bitcoins. Lui-même, personnellement, vit sur ce système. Il n’a plus besoin de vendre. Il emprunte contre 2 à 5 % de son stack. Et il le dit sans détour : si on veut que Bitcoin prenne sa place dans le monde réel, il faut créer des usages réels. Pas seulement thésauriser. Agir. Vivre. Emprunter pour investir. Utiliser son capital pour bâtir. C’est ainsi que Bitcoin passera de réserve à levier. C’est ainsi que nous gagnerons.
Ce discours marque une rupture. Il ne s’adresse pas aux puristes, ni aux spéculateurs. Il parle à ceux qui veulent rester souverains sans devenir des ascètes. À ceux qui veulent concilier la révolution et la vie quotidienne. Il n’oppose pas hodl et usage. Il propose une voie médiane. Une voie mature. Celle du crédit responsable. Celle d’une finance nouvelle, construite sur un code incorruptible. Et il rappelle que tout ceci n’est qu’un commencement. Qu’il reste tant à inventer, tant à sécuriser, tant à étendre. Que l’Afrique, l’Amérique latine, l’Europe attendent encore ces outils. Et que tant que des Bitcoiners seront forcés de vendre pour survivre, le combat ne sera pas terminé.
Dans la salle, on écoute. On comprend que quelque chose est en train de changer. Jack Mallers n’est plus seulement l’enfant du Lightning. Il devient le témoin d’une mutation. Bitcoin entre dans une nouvelle ère. Celle des usages concrets. Celle de l’intégration dans la vie réelle. Celle où l’on ne dit plus seulement hodl, mais bâtissons. Et si l’avenir du Bitcoin ne se joue pas uniquement dans les blockchains, mais aussi dans les actes du quotidien, alors ce dilemme du hodler deviendra peut-être, demain, une force nouvelle. Une manière de ne plus jamais choisir entre vivre… et garder ce que l’on croit juste.
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