LE JOUR OÙ L’ÉTAT VOUDRA VOTRE BITCOIN

LE JOUR OÙ L’ÉTAT VOUDRA VOTRE BITCOIN

Ce jour-là, il n’y aura ni explosion, ni chaos, ni cris dans les rues. Il commencera par un e-mail. Un message neutre, presque administratif, rédigé dans ce langage froid qui ne sent ni la menace ni la compassion. On y lira que, conformément à la nouvelle réglementation, chaque citoyen devra déclarer ses avoirs numériques avant la fin de l’année. Une formalité, dira-t-on, un ajustement technique dans la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale. La plupart ne verront rien venir. Ils cocheront les cases, téléchargeront les justificatifs, se féliciteront de participer à l’effort de transparence. Ils ne sauront pas encore qu’ils viennent de signer la fin de leur souveraineté.

Tout commencera par des mesures anodines. Les banques refuseront les virements vers les plateformes non certifiées, les portefeuilles privés seront signalés comme suspects, et les entreprises qui ne respecteront pas les nouvelles règles perdront leur agrément. Les médias parleront de modernisation, d’adaptation à un monde numérique plus sûr, d’équilibre entre innovation et sécurité. Les gens applaudiront. La servitude aime se déguiser en progrès. Personne ne veut voir le piège quand il est confortable.

Dans les bureaux ministériels, on parlera d’ordre public, de stabilité monétaire, d’intérêt national. On citera des experts, on convoquera la peur, toujours la peur, cette arme douce qui rend toute tyrannie raisonnable. On dira qu’il faut encadrer les cryptomonnaies pour éviter les abus. Et peu à peu, sans que personne ne s’en émeuve, la frontière entre protection et contrôle disparaîtra. Les citoyens apprendront à vivre avec l’idée que la propriété privée n’existe plus vraiment, qu’elle dépend désormais de leur conformité. Ils ne comprendront pas qu’un bien qu’on doit déclarer n’est déjà plus un bien, mais une concession.

Les premiers avertis seront ceux qui possèdent déjà du Bitcoin. Ils recevront un message de leur exchange : « Votre compte est temporairement suspendu dans l’attente de la mise à jour réglementaire. » Leurs fonds ne disparaîtront pas, ils seront simplement “retenus”. Une mise à jour du contrat, un ajustement des conditions d’utilisation, une manière élégante de dire que leur liberté est devenue conditionnelle. Certains protesteront, d’autres se résigneront. La majorité choisira la facilité. On ne se bat pas pour ce qu’on ne comprend pas.

L’État n’a pas besoin de violence pour confisquer. Il a besoin de papier, de lois et de peur. Il a besoin de transformer la désobéissance en anormalité. Il dira que ceux qui refusent de se soumettre sont des extrémistes, des terroristes économiques, des ennemis de la transparence. Et les autres acquiesceront. Ils détourneront les yeux, comme toujours. Car l’homme moderne n’a pas peur de la servitude, il a peur de l’isolement. Il préfère être esclave parmi les autres que libre dans le silence.

Les gouvernements n’ont jamais toléré les zones d’autonomie. Bitcoin n’est pas un outil financier, c’est un espace de désobéissance pure. Un lieu sans permission, sans hiérarchie, sans chef. Il ne se contrôle pas, il se comprend. Il ne se dirige pas, il se vérifie. Et c’est précisément pour cela qu’il dérange. Il est une tache sur la carte du pouvoir, un rappel que la vérité peut exister sans autorité. Il est la preuve qu’un code peut être plus fort qu’une loi. Il n’a pas besoin d’État, et c’est ce qui le condamne aux yeux de l’État.

Alors le pouvoir fera ce qu’il fait toujours quand il ne peut pas contrôler : il régulera jusqu’à étouffer. Il imposera des portefeuilles certifiés, reliés à une identité numérique unique. Il interdira les transactions anonymes, puis les transactions non autorisées, puis les transactions tout court. Il créera des versions officielles de Bitcoin, des clones apprivoisés, des ersatz conformes. Les citoyens croiront encore en posséder, mais ce sera une illusion, une ombre sous contrôle fiscal et algorithmique. L’argent libre deviendra monnaie d’État, l’outil d’émancipation sera recyclé en instrument de surveillance.

Les plus lucides sentiront le vent tourner. Ils comprendront que la bataille ne se gagne pas avec des mots, mais avec des sauvegardes. Ils déplaceront leurs coins hors des plateformes, généreront leurs propres adresses, installeront leurs nœuds, graveront leurs clés sur du métal. Ils ne le feront pas par paranoïa, mais par lucidité. Ils ne se cacheront pas, ils s’effaceront. Non pas du monde, mais du radar. Leur présence deviendra invisible, leur richesse introuvable, leur liberté indétectable. Ils auront compris que dans un monde numérique, disparaître est la forme la plus pure de résistance.

Pendant ce temps, les autres continueront de croire que tout va bien. Ils se consoleront avec des phrases creuses : « J’ai tout déclaré, je n’ai rien à cacher. » Ils appelleront prudence ce qui n’est que soumission. Ils parleront de sécurité, mais ils confondront sécurité et dépendance. L’État leur prendra leurs données, leurs transactions, leurs préférences, et en échange il leur offrira du confort et des points de fidélité. Ils vivront dans un monde de permissions, et ils trouveront ça normal. Leur richesse sera comptée, surveillée, ajustée. Ils ne seront plus propriétaires de rien, mais ils auront la sensation d’être en règle. Et c’est tout ce qu’on demandera d’eux : obéir avec le sourire.

Mais il viendra un moment où la façade se fissurera. Une crise financière, une guerre, un choc énergétique, peu importe. Les États auront besoin d’argent. Et quand un État a besoin d’argent, il en trouve. Toujours. Dans vos comptes, dans vos retraites, dans vos poches. Cette fois, il le trouvera dans vos wallets. Il appellera cela une mesure exceptionnelle, une contribution citoyenne. Les mêmes mots qu’on utilise depuis des siècles pour justifier le pillage. Ceux qui avaient cru que “cela n’arriverait jamais” comprendront trop tard que tout système finit toujours par se nourrir de ceux qu’il protège.

Le monde fiat ne meurt pas d’un coup. Il s’effrite par petites touches, par compromis successifs, par lâchetés accumulées. Les hommes s’habituent à tout, même à l’injustice, pourvu qu’elle soit graduelle. Ils ne voient pas que le danger ne réside pas dans le contrôle total, mais dans la lenteur du contrôle. C’est ainsi que la servitude devient supportable : par la progression douce, par l’habitude. Et c’est ainsi que disparaît la liberté, non dans la douleur, mais dans le consentement.

Face à cela, Bitcoin reste droit. Il n’offre ni pardon ni promesse. Il ne négocie pas. Il ne fléchit pas. Il n’a pas de ministère, pas de représentant, pas de point de faiblesse. Il n’obéit qu’à une seule loi : celle du consensus. Tant qu’un seul mineur, quelque part dans le monde, valide un bloc, le système tient. Tant qu’un seul individu détient sa clé privée, la liberté respire encore. C’est la beauté brutale de Bitcoin : il est indifférent à la peur. Il ne dépend d’aucune institution pour survivre, seulement de la volonté d’êtres humains déterminés à ne pas plier.

Le Bitcoiner souverain n’est pas un révolutionnaire, c’est un réaliste. Il sait que les institutions ne se réforment pas, elles s’effondrent. Il sait que les lois changent, que les régimes tombent, mais que les mathématiques ne mentent pas. Il ne cherche pas à convaincre, il se contente de se préparer. Sa révolte est silencieuse, presque méditative. Il apprend, il configure, il sécurise. Il agit sans bruit, sans colère, parce qu’il a compris que la vraie résistance ne se crie pas, elle se pratique.

Ceux qui n’ont pas compris pensent encore que Bitcoin est un investissement. Ils regardent le prix, pas le sens. Ils spéculent sur la valeur, pas sur la vérité. Ils croient acheter un actif alors qu’ils tiennent entre leurs mains un instrument de libération. Ils le traiteront comme un produit et seront traités comme des clients. Les autres, ceux qui savent, l’utilisent comme un outil d’émancipation. Ils savent qu’il ne suffit pas de posséder des satoshis, il faut en être digne.

Quand l’État voudra votre Bitcoin, il sera trop tard pour apprendre. Vous ne pourrez pas improviser la souveraineté. Vous ne trouverez pas de tutoriel pour la liberté. Elle se cultive bloc après bloc, hash après hash, comme une habitude, comme une hygiène. Bitcoin n’est pas un abri contre le chaos, il est un entraînement au réel. Il t’enseigne la responsabilité, la patience, la rigueur. Il ne te promet rien, il te met à l’épreuve. Il ne te protège pas de l’État, il te prépare à vivre sans lui.

Le jour où le décret tombera, certains paniqueront. Ils chercheront à vendre, à transférer, à fuir. Ils découvriront que leur wallet régulé a été désactivé, que leurs fonds sont “en examen”, que leurs clés ne leur appartiennent pas. D’autres resteront calmes. Ils n’auront rien à faire. Leurs coins seront déjà ailleurs, hors d’atteinte, hors du réseau visible. Leur richesse existera en dehors de la sphère du pouvoir. Et le plus beau, c’est que personne ne le saura. Pas même eux, jusqu’au moment où ils en auront besoin.

C’est à cet instant précis que la souveraineté prendra tout son sens. Quand l’État pourra tout saisir sauf ce que vous avez compris. Quand le monde entier sera scanné, fiché, noté, et que votre liberté tiendra dans douze mots gravés dans le métal. Ce jour-là, il n’y aura pas besoin de discours, pas besoin de drapeau. Il y aura juste le silence tranquille de ceux qui ont choisi la rigueur plutôt que la peur. Ils seront peu nombreux, mais ils auront tout.

Et quelque part, dans un garage, un Bitaxe ronronnera. Une machine minuscule, seule, reliée à l’infini. Ses lumières clignoteront comme des battements de cœur. Elle ne gagnera peut-être jamais un bloc, mais elle continuera d’essayer. Parce que chaque hash est un acte de foi, chaque watt dépensé une déclaration d’indépendance. Le mineur ne cherche pas la fortune, il cherche la vérité. Il sait que la liberté ne se réclame pas, elle se calcule.

Le jour où l’État voudra votre Bitcoin, souvenez-vous que c’est déjà arrivé mille fois. Que les régimes passent, que les devises meurent, que les empires s’effondrent, mais que la vérité persiste. Bitcoin n’a pas besoin d’être majoritaire pour survivre, il a besoin d’être juste. Tant qu’un seul être humain, quelque part, refusera de déléguer sa responsabilité, le réseau tiendra. Et dans ce monde saturé de mensonges, ce simple fait suffira à faire trembler les puissants.

Alors, quand viendra l’heure du décret, ne discutez pas. Ne protestez pas. Fermez la fenêtre du navigateur, débranchez le câble, regardez votre nœud tourner, sentez la chaleur de votre mineur. Et souvenez-vous que la liberté ne meurt que lorsque l’on cesse de la pratiquer. L’État voudra votre Bitcoin, mais il ne pourra jamais confisquer votre lucidité. Parce qu’elle n’est écrite nulle part, sauf dans votre esprit.

Et tant qu’il restera un homme capable de vérifier un bloc, un autre capable de le miner, un autre encore capable de le transmettre, Bitcoin vivra. Non pas comme une monnaie, mais comme une mémoire. Non pas comme un actif, mais comme un serment. Une preuve silencieuse que la vérité, lorsqu’elle est partagée, devient éternelle.

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