QUI SOMMES-NOUS, NOUS LES BITCOINERS ?

QUI SOMMES-NOUS, NOUS LES BITCOINERS ?

Qui est un bitcoiner exactement, et qu’est-ce qui pousse une partie de la population à s’engager dans cette étrange aventure qui semble osciller entre acte de foi, choix rationnel, instinct de survie et quête d’émancipation ? La question paraît simple et pourtant elle n’a cessé d’échapper à toute définition rigide depuis 2009. On parle d’un protocole, d’un réseau, d’une monnaie numérique, mais au fond, derrière ces mots froids et techniques, il y a des visages, des trajectoires, des motivations diverses qui composent une mosaïque humaine. Le bitcoiner de 2009 et celui de 2025 ne sont pas la même personne, ils ne vivent pas dans le même contexte, mais quelque chose de commun persiste, une ligne invisible qui relie ceux qui ont tendu la main vers ce bloc de données devenu symbole de résistance et de souveraineté. C’est cette ligne que nous allons suivre, comme si nous cherchions à tracer le portrait robot du stacker de satoshis, non pas en cherchant la vérité absolue mais en dessinant les contours d’une communauté qui n’a jamais cessé de se redéfinir.

Au commencement, il y a 2009, l’année où tout est encore un jeu de laboratoire, une expérimentation qui circule dans les marges d’Internet, au sein de forums fréquentés par quelques geeks, cryptographes, cypherpunks ou curieux de l’informatique libre. Le bitcoiner d’alors est une rareté. Il n’a pas de modèle économique clair, il n’attend pas un enrichissement rapide, il n’y a même pas de marché où vendre ses bitcoins. Il mine avec son ordinateur de bureau par curiosité ou par esprit d’expérimentation. Il ne sait pas encore que cette chose prendra une telle ampleur. Ce bitcoiner-là ressemble davantage à un alchimiste, mélangeant des ingrédients mathématiques dans l’espoir de voir apparaître une étincelle. Beaucoup ne resteront pas, mais quelques-uns conserveront leurs clés privées et, sans le savoir, deviendront des légendes. Ce premier archétype du bitcoiner n’est ni investisseur ni militant, il est pionnier au sens le plus pur, celui qui marche seul dans une terre inconnue sans savoir s’il existe réellement une oasis au bout.

Puis viennent les années où Bitcoin commence à circuler, timidement, dans des espaces marginaux, les fameuses pizzas de 2010, les premiers forums de discussion où les utilisateurs échangent des fractions de BTC contre des services ou de simples preuves de confiance. Le bitcoiner de cette période est souvent animé par un double sentiment : d’un côté la fascination pour une technologie qui fonctionne sans banque centrale, de l’autre une méfiance croissante envers les institutions financières, surtout après la crise de 2008. Ce sont souvent des jeunes adultes, des informaticiens, des libertariens, mais aussi déjà quelques idéalistes qui voient dans Bitcoin une réinvention de la monnaie. Leur profil est hétérogène mais leur langage commun est la défiance. Ils ne croient plus dans la promesse du système bancaire, ils veulent autre chose. On pourrait dire que le premier ADN du bitcoiner, celui qui se transmettra malgré les mutations, c’est la volonté de reprendre le contrôle de son argent et donc de sa liberté.

Au fil des années, Bitcoin sort peu à peu de la marginalité. Les médias commencent à en parler, d’abord comme une curiosité, puis comme une menace, enfin comme une bulle. À chaque cycle de hausse et de chute, de nouveaux venus arrivent. Le bitcoiner de 2013 n’est plus seulement l’informaticien passionné, c’est aussi l’investisseur opportuniste, l’étudiant qui achète quelques fractions sur une plateforme encore instable, le spéculateur qui rêve de multiplier sa mise. Ici se joue la première grande divergence : Bitcoin attire autant ceux qui veulent un monde nouveau que ceux qui veulent simplement s’enrichir. Mais même ces derniers, en restant, finissent souvent par absorber un peu de la philosophie sous-jacente. Celui qui entre pour le gain peut rester pour l’idée. Le réseau est une machine étrange qui convertit peu à peu ses utilisateurs, comme si l’exposition prolongée au protocole finissait par transformer la vision du monde. Le bitcoiner est donc aussi celui qui se convertit malgré lui, passant du statut d’investisseur curieux à celui de croyant pragmatique.

En 2017, lors du premier grand cycle médiatisé, le mot “hodler” devient emblématique. Le bitcoiner se définit alors par sa capacité à ne pas céder à la panique. Il ne s’agit plus seulement d’acheter, il s’agit de tenir, d’affirmer une patience face à la volatilité qui effraie les autres. Le bitcoiner devient une figure de résistance psychologique. Son identité s’affine : il est celui qui endure, celui qui refuse de vendre, celui qui voit plus loin que le prochain graphique. Le langage change aussi, on parle de “stacker des sats”, de “diamond hands”, d’entrer dans une nouvelle ère. Le bitcoiner est désormais un personnage collectif, visible sur Twitter, sur YouTube, incarné par des influenceurs, des éducateurs, des vulgarisateurs. Mais derrière la façade médiatique, c’est toujours la même logique : tenir le cap quand tout le reste vacille. La patience devient une vertu cardinale.

Arrivé en 2025, le bitcoiner a beaucoup de visages. On trouve l’early adopter qui n’a jamais vendu, devenu riche malgré lui et souvent discret. On trouve le maximaliste militant qui a fait du drapeau orange son arme de guerre idéologique. On trouve l’investisseur institutionnel qui, poussé par la peur de manquer le train, empile des BTC via un ETF. On trouve le père de famille qui a simplement voulu mettre de côté quelque chose de solide pour ses enfants. On trouve l’activiste politique dans des pays où l’inflation détruit tout et pour qui Bitcoin n’est pas une spéculation mais une bouée de sauvetage. On trouve l’adolescent qui découvre TikTok et qui se dit que peut-être ce Bitcoin est plus sérieux que le reste des memes coins. On trouve l’ingénieur qui croit avant tout au génie du protocole. On trouve même ceux qui étaient d’abord hostiles et qui finissent par céder, comme des ex-fumeurs devenus les plus virulents promoteurs de la sobriété. Le bitcoiner de 2025 n’est donc pas un profil unique mais une constellation.

Alors, qu’est-ce qui nous unit malgré tout, au-delà des catégories ? Il y a d’abord la conviction que Bitcoin est autre chose qu’un simple actif financier. Même celui qui l’achète uniquement pour s’enrichir finit, s’il reste, par comprendre qu’il tient dans ses mains un outil de souveraineté. Il y a ensuite l’expérience partagée de la volatilité, de ces montagnes russes qui forgent le caractère. Chaque bitcoiner a vécu au moins une chute vertigineuse et a dû décider de tenir ou de lâcher. Ceux qui restent savent ce que cela signifie. Enfin, il y a le langage commun, ces blagues internes, ces memes, cette culture partagée qui crée une tribu mondiale. On peut être séparés par les continents, les cultures, les religions, mais quand on parle de satoshis, de halving, de clés privées, on parle la même langue. Bitcoin est une grammaire qui nous unit.

Le bitcoiner est aussi un paradoxe ambulant. Il est individualiste mais il fait partie d’une communauté. Il se méfie de tout mais il croit en un code qu’il n’a souvent jamais lu. Il rejette l’autorité mais il répète comme un mantra les règles gravées dans le protocole. Il critique les banques mais vérifie chaque jour le prix en dollars. Il prétend n’avoir besoin de personne mais il passe ses soirées à débattre sur X ou Telegram. Le portrait robot du bitcoiner est donc traversé de contradictions, mais ce sont précisément ces contradictions qui le rendent humain. Ce n’est pas une secte homogène, c’est un réseau d’individus reliés par une foi dans une même infrastructure. Et peut-être est-ce cela qui fait la force : la diversité des profils et la convergence des objectifs.

Pour le néophyte, entrer dans ce monde est souvent déconcertant. Il découvre des codes, une histoire interne, des personnages mythiques comme Satoshi, Hal Finney, les cypherpunks. Il découvre des débats interminables sur la taille des blocs, sur les forks, sur les ETF. Mais surtout il découvre que derrière la façade de chiffres et de courbes se cache une quête plus profonde : celle de l’autonomie. Le bitcoiner n’est pas défini par sa profession, son âge ou sa nationalité. Il est défini par un geste : celui de retirer ses bitcoins d’une plateforme pour les mettre dans son propre wallet. Ce geste condense toute l’identité. C’est le moment où l’on devient véritablement bitcoiner, non pas parce qu’on a acheté, mais parce qu’on a pris la responsabilité de garder ses propres clés. Peu importe qu’on en possède 0.01 ou 100, l’essentiel est là.

Ce qui a évolué depuis 2009, c’est la perception extérieure. Jadis marginal, le bitcoiner était vu comme un illuminé, puis comme un criminel, ensuite comme un spéculateur, et aujourd’hui comme un acteur économique qu’on ne peut plus ignorer. Mais en interne, ce qui est resté, c’est l’esprit de résistance. Chaque cycle, chaque régulation, chaque attaque médiatique renforce cette identité. Être bitcoiner, c’est endosser un rôle de dissident face au système fiat. Même si certains se contentent d’y voir un placement, ils participent malgré eux à ce mouvement plus vaste. Car chaque satoshi stacké est un vote silencieux contre la dépréciation monétaire. Chaque clé privée conservée est une affirmation que la confiance ne se délègue pas. C’est en cela que le portrait du bitcoiner se dessine : un mélange d’individualité et de collectif, une somme d’expériences diverses unies par une même logique de résistance pacifique.

Le bitcoiner du futur ne sera pas très différent. Les motivations changeront encore, de nouvelles générations entreront, certains verront dans Bitcoin un actif de retraite, d’autres une arme contre l’inflation, d’autres encore un simple outil pratique pour transférer de la valeur. Mais au cœur restera la même chose : l’idée que dans un monde où tout vacille, il existe un protocole qui ne ment pas. Être bitcoiner, c’est choisir d’y croire, non pas naïvement, mais en pariant sur la force des mathématiques et de la communauté. Ce n’est pas une religion mais ce n’est pas non plus une simple technologie. C’est une identité en mouvement, une tribu dispersée mais cohérente. Le portrait robot est flou, mais ce flou est sa richesse. Nous sommes multiples, mais nous parlons la même langue. Et c’est peut-être cela, au fond, être bitcoiner en 2025.

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