BITCOIN FACE À L’ORDINATEUR QUANTIQUE

BITCOIN FACE À L’ORDINATEUR QUANTIQUE

Bitcoin est souvent présenté comme une forteresse numérique, un système quasi invincible forgé par la cryptographie et la décentralisation. Depuis plus de quinze ans, il a résisté aux pirates, aux États hostiles et aux attaques économiques. Pourtant, dans l’ombre des laboratoires les plus avancés de la planète, une autre révolution technologique prend forme : l’ordinateur quantique. Grâce à ses qubits capables d’être dans plusieurs états en même temps, et à l’intrication qui relie instantanément des particules distantes, l’ordinateur quantique promet une puissance de calcul inimaginable pour les ordinateurs classiques. Et avec elle, la capacité théorique de briser certains systèmes cryptographiques considérés jusqu’ici comme indestructibles.

Pour comprendre ce qui est en jeu, il faut rappeler que Bitcoin repose sur deux piliers : la fonction de hachage SHA-256, utilisée pour sécuriser l’intégrité des blocs et le minage, et l’algorithme de signature ECDSA, qui permet à chacun de prouver qu’il est bien propriétaire de ses bitcoins lorsqu’il les dépense. Lorsque vous recevez des bitcoins, votre adresse est générée à partir d’un hachage de votre clé publique, un procédé qui garde votre clé publique cachée tant que vous ne dépensez pas vos fonds. C’est une sécurité essentielle : une clé publique non révélée ne peut pas être attaquée, même par un ordinateur quantique. En revanche, au moment où vous envoyez vos bitcoins, votre clé publique devient visible sur le réseau, ouvrant une fenêtre de vulnérabilité théorique.

C’est là qu’intervient l’algorithme de Shor, un exploit de la physique quantique qui permet de résoudre en temps polynomial des problèmes considérés comme insolubles avec un ordinateur classique, comme la factorisation de grands nombres ou le calcul de logarithmes discrets. Or, casser ECDSA, c’est précisément résoudre un problème de logarithme discret. Si un ordinateur quantique suffisamment puissant voyait le jour, il pourrait, en théorie, calculer votre clé privée à partir de votre clé publique dès qu’elle est révélée, et donc signer des transactions à votre place avant même que la vôtre soit confirmée. Dans ce scénario, la sécurité de Bitcoin serait compromise pour tous ceux qui auraient réutilisé des adresses ou qui tarderaient à voir leurs transactions incluses dans un bloc.

Faut-il pour autant céder à la panique ? À ce jour, les ordinateurs quantiques existants ne dépassent pas quelques centaines de qubits physiques, souvent instables et soumis à une multitude d’erreurs. Pour casser l’ECDSA de Bitcoin, il faudrait un ordinateur stable et corrigé d’erreurs de plusieurs milliers, voire millions de qubits logiques. Les experts estiment qu’un tel exploit reste à plusieurs décennies. Le fameux exploit de « suprématie quantique » annoncé par Google en 2019 ne concernait qu’un calcul spécifique sans application pratique, et depuis, aucun progrès majeur ne laisse penser qu’un ordinateur quantique apte à casser la cryptographie moderne soit imminent.

Bitcoin n’est pas figé. Le protocole peut évoluer par consensus, via un soft fork ou un hard fork. Des solutions post-quantiques sont déjà à l’étude dans le monde entier, notamment des signatures basées sur des fonctions de hachage ou des schémas utilisant des réseaux euclidiens, résistants aux attaques quantiques connues. Le vrai risque ne serait pas l’émergence soudaine d’un ordinateur quantique, mais plutôt l’absence de coordination de la communauté pour adopter à temps une mise à jour qui sécuriserait le réseau face à ce nouveau type de menace. La vigilance collective, la réactivité et le consensus resteront les clés de la résilience de Bitcoin.

Il faut aussi rappeler que, même si un ordinateur quantique devenait capable de casser l’ECDSA, seuls les bitcoins dont les adresses ont déjà révélé leur clé publique seraient en danger immédiat. Ceux restés dans des adresses non dépensées n’exposeraient aucune information à attaquer. Dans l’attente d’un hypothétique ordinateur quantique, la meilleure pratique reste d’éviter de réutiliser ses adresses : chaque transaction devrait utiliser une nouvelle adresse, une recommandation déjà valable aujourd’hui pour préserver sa vie privée et limiter les risques.

Bitcoin est un système vivant, un protocole open source qui a toujours su s’adapter aux défis. Si la cryptographie d’aujourd’hui peut devenir vulnérable demain, l’écosystème dispose de la capacité et de l’intelligence collective pour évoluer et intégrer des solutions post-quantiques lorsque cela sera nécessaire. En attendant, la menace de l’ordinateur quantique doit être prise au sérieux, surveillée attentivement, mais elle ne doit pas devenir un épouvantail permanent. La plus grande faiblesse de Bitcoin n’est pas l’ordinateur quantique, mais l’idée que le réseau ne pourrait pas évoluer face à lui. Car tant que la communauté restera active et unie, Bitcoin pourra rester un rempart pour la liberté individuelle dans un monde en mutation.

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