
TAO VS BITCOIN : L’ILLUSION D’UN REMPLACEMENT
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Il existe une obsession récurrente dans le monde des cryptomonnaies, celle de chercher le nouveau Bitcoin. Comme si l’esprit humain refusait d’accepter l’idée qu’une invention définitive puisse exister. Comme si dans une époque obsédée par le progrès permanent et les révolutions successives il fallait absolument que chaque innovation soit détrônée par une autre, plus rapide, plus complexe, plus moderne. Bitcoin, pour beaucoup, ne peut être qu’une étape. L’histoire ne s’arrêterait pas là. Et aujourd’hui c’est TAO qui endosse ce rôle de challenger. Le Bitcoin de l’intelligence artificielle, comme le répètent ses défenseurs.
L’expression claque, elle séduit, elle intrigue. Elle est faite pour séduire un monde qui croit aux récits technologiques autant qu’aux chiffres. TAO, réseau distribué où des neurones numériques s’entraînent et se récompensent en jetons, est présenté comme une promesse radicale. Certains affirment qu’il pourrait faire pour la cognition ce que Bitcoin a fait pour la monnaie. Mais cette comparaison n’est pas seulement trompeuse, elle est dangereuse. Car elle brouille la perception de ce que Bitcoin est réellement et réduit sa puissance à une simple étape dans un concours d’innovations. Bitcoin n’est pas une technologie parmi d’autres, c’est une fondation. TAO, lui, est une expérimentation. Voilà le point de départ qu’il faut garder à l’esprit avant de déconstruire, un par un, les arguments de ceux qui croient au mythe d’un remplacement.
Les partisans de TAO aiment souligner que leur protocole est décentralisé. Chaque participant peut contribuer, chaque neurone est libre, les règles sont inscrites dans le code. À première vue cela ressemble à Bitcoin. Mais il y a une différence de nature, pas seulement de degré. Bitcoin est né d’un acte de disparition. Satoshi Nakamoto a conçu un protocole, l’a lancé, puis s’est effacé. Personne ne détient de droits spéciaux sur le réseau, personne ne peut réécrire les règles à sa convenance. La gouvernance de Bitcoin est d’une radicalité extrême, il n’y en a pas. C’est le consensus pur, la règle majoritaire appliquée sans centre de pouvoir. TAO, en revanche, est encore un projet sous tutelle. Sa fondation détient une part significative des jetons, son code est complexe, son évolution dépend d’un groupe identifié, soutenu par des capitaux puissants et des acteurs établis de la finance et de la crypto. Cela n’enlève rien à la valeur du projet, mais cela suffit à montrer qu’il n’est pas de la même nature que Bitcoin. Là où Bitcoin a prouvé sa résilience en survivant à l’absence de son créateur, TAO dépend encore de quelques-uns.
Autre argument répété comme un mantra, TAO comme Bitcoin est limité à vingt et un millions d’unités. Le chiffre n’a pas été choisi au hasard, c’est un clin d’œil, une tentative de se placer dans la continuité symbolique du roi. Et à chaque fois qu’on prononce ce nombre on réactive dans l’imaginaire collectif la puissance de la rareté numérique. Mais cette imitation ne fait pas la force de TAO, elle souligne au contraire sa faiblesse. Car la rareté n’est pas une formule magique qu’il suffit de copier. Dans Bitcoin elle n’est pas une décision arbitraire. Elle est enracinée dans le protocole, garantie par une décentralisation absolue, protégée par des milliers de nœuds qui refusent toute altération. Elle est devenue une vérité mathématique, presque une loi naturelle. Dans TAO, le choix des vingt et un millions est une décision de design. Une clause de contrat qui pourrait être modifiée par une future gouvernance. Rien n’assure qu’un jour, si les besoins évoluent, ce nombre ne sera pas contesté. Ce n’est pas une vérité, c’est un choix. Et un choix reste vulnérable à l’arbitraire humain.
Bitcoin est une rupture. TAO est une expérimentation. La distinction peut sembler subtile, mais elle est cruciale. Bitcoin a bouleversé la base même de la valeur. Avant lui, la monnaie dépendait d’institutions, de banques centrales, de gouvernements. Elle pouvait être émise, contrôlée, manipulée. Avec Bitcoin, la monnaie est devenue un protocole neutre, sans maître, incorruptible. Ce n’est pas seulement une innovation technologique, c’est une révolution anthropologique. L’humanité possède enfin un outil monétaire qui ne dépend de personne. TAO, lui, explore une piste fascinante, distribuer et coordonner la puissance cognitive. C’est une idée brillante, peut-être même nécessaire dans un monde où l’IA se centralise dans les mains de quelques géants. Mais ce n’est pas une rupture définitive, c’est une tentative. Une recherche. TAO pourrait réussir ou échouer, il pourrait être supplanté par un autre protocole plus efficace, plus rapide, mieux conçu. Son rôle est expérimental, il n’a pas vocation à devenir une vérité intemporelle. Bitcoin n’est pas un laboratoire, Bitcoin est un roc. TAO, par essence, est un laboratoire. Le confondre avec Bitcoin, c’est confondre l’éternité avec la mode.
Un reproche classique adressé à Bitcoin est son absence d’utilité au sens fonctionnel. Il ne sert qu’à transférer et stocker de la valeur. Il n’entraîne pas d’intelligence artificielle, il ne construit pas de contrats complexes, il ne fait pas tourner d’applications. Les défenseurs de TAO en profitent pour souligner que leur réseau, lui, est utile. Mais cet argument se retourne contre eux. Car c’est justement le manque d’utilité qui fait la force de Bitcoin. Sa fonction est minimale, son design est volontairement limité. Il ne cherche pas à plaire ni à s’adapter. Il ne fait qu’une chose, garantir une monnaie incorruptible. Et c’est suffisant pour bouleverser le monde. TAO, en revanche, doit sans cesse s’adapter. Son utilité réside dans sa capacité à servir l’IA, mais cette utilité peut évoluer. Aujourd’hui c’est l’entraînement de modèles, demain ce sera autre chose. Cette plasticité est une force à court terme, mais une faiblesse à long terme. Toute technologie utile finit par être dépassée. Bitcoin, au contraire, ne sera jamais dépassé, parce qu’il ne propose pas une technologie mais une vérité.
Pourquoi malgré tout tant de voix continuent-elles à présenter TAO comme un remplaçant potentiel de Bitcoin ? Parce que notre époque a soif de récits. Bitcoin a été le grand récit monétaire du XXIe siècle. Il a transformé une génération, donné naissance à une mythologie, à une communauté, à une tribu. Aujourd’hui l’attention se tourne vers l’intelligence artificielle. Elle inquiète, elle fascine, elle promet de redéfinir la société. TAO arrive au bon moment pour incarner ce nouveau récit. Ses vingt et un millions d’unités, son pseudonyme mystérieux, sa promesse universelle, tout est conçu pour évoquer un parfum de déjà vu. Mais ce récit est cosmétique. La comparaison avec Bitcoin n’est qu’un outil marketing. TAO n’a pas le même poids symbolique. Il ne repose pas sur la même rupture. Il ne peut pas incarner le même refus radical. Bitcoin n’a pas été conçu pour séduire, il a été conçu pour exister. TAO, lui, cherche à séduire. Et cette différence change tout.
Bitcoin n’a pas cherché à plaire. Il n’a pas été créé pour attirer des investisseurs ni pour répondre à une tendance. Il est né d’une volonté radicale de retirer aux États et aux banques le monopole de la monnaie. Sa force réside dans son immuabilité, dans sa capacité à dire non. TAO, au contraire, est un projet qui dit oui. Oui à l’expérimentation, oui à la flexibilité, oui à l’adaptation. C’est ce qui en fait un système fascinant mais aussi fragile. Là où Bitcoin est une pierre posée au milieu du torrent, TAO est l’eau qui coule autour. Fluide, changeant, insaisissable. Mais l’eau ne remplace pas la pierre, elle la contourne, elle s’y adapte, elle ne peut pas l’abolir.
Bitcoin est un acte politique. TAO est un projet technique. Bitcoin vise à abolir les intermédiaires monétaires, il remet en cause le cœur du système financier mondial. C’est un affrontement direct avec les banques centrales, avec la dette, avec le contrôle monétaire. TAO, lui, vise à redistribuer la puissance cognitive. C’est un projet technique, une réponse à la centralisation de l’IA. Les deux sont passionnants, les deux peuvent coexister, mais les confondre c’est passer à côté de l’essentiel. La souveraineté monétaire de l’humanité ne reposera jamais sur un réseau neuronal. Elle repose sur une monnaie incorruptible. Et cette monnaie c’est Bitcoin.
TAO est une expérience brillante. Il mérite d’être exploré, étudié, testé. Il peut transformer la manière dont l’IA est distribuée. Mais il ne remplacera jamais Bitcoin. Parce que Bitcoin n’est pas une technologie, c’est une vérité. Parce que Bitcoin n’est pas un laboratoire, c’est une fondation. Parce que Bitcoin n’est pas une promesse, c’est une réalité. TAO peut séduire, Bitcoin s’impose. TAO peut évoluer, Bitcoin reste. TAO peut mourir, Bitcoin ne peut pas. Et c’est pour cela que dans cent ans on parlera encore de Bitcoin.
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