TORNADO CASH : 5 ANS DE PRISON POUR DU CODE

TORNADO CASH : 5 ANS DE PRISON POUR DU CODE

Il n’a pas volé. Il n’a pas tué. Il n’a pas escroqué qui que ce soit. Il a écrit du code. Du code open source, publié publiquement, auditable par tous. Du code qui ne porte aucune intention, aucun jugement, aucune orientation morale. Et pourtant, Alexey Pertsev dort en prison. À l’heure où ces lignes sont écrites, il attend la décision de son procès en appel. Le premier jugement lui a collé 5 ans de prison ferme pour avoir participé à la création de Tornado Cash, un protocole de mixage sur Ethereum. En clair : pour avoir offert à n’importe qui la possibilité d’utiliser la vie privée.

Mais dans le monde post-2022, la vie privée est un crime. Le simple fait d’offrir un outil neutre, sans autorité centrale, capable de dissimuler la source et la destination des fonds, suffit à vous transformer en ennemi d’État. Le code est désormais assimilé à une intention. Écrire une fonction cryptographique, c’est désormais “faciliter” le blanchiment d’argent. Publier un smart contract non-custodial, c’est “aider” des criminels. L’accusation est délirante. Elle est pourtant réelle. Et elle fait jurisprudence.

Le procès d’Alexey est un symbole. Il marque un tournant. Car pour la première fois dans l’histoire moderne, un développeur open source est condamné non pas pour ce qu’il a fait, mais pour ce que d’autres ont fait avec son code. La logique est implacable et terrifiante : si votre logiciel peut être utilisé par des criminels, alors vous êtes complice. Autant dire que chaque développeur de Bitcoin, de Monero, de Samourai, de Wasabi ou de JoinMarket est désormais sur la sellette.

Cette affaire n’a rien d’anecdotique. Elle ouvre une brèche énorme dans l’histoire du logiciel libre. Elle envoie un message clair à tous les cypherpunks, les privacy maximalists, les idéalistes du chiffrement fort : “On ne vous laissera plus coder en paix.” Peu importe que Tornado Cash ait été un smart contract autonome, non modifiable une fois déployé. Peu importe que l’équipe de développement n’ait eu aucun contrôle sur son fonctionnement. Peu importe que le code soit public, open source, utilisé aussi bien par des particuliers que des institutions. Aux yeux de la justice hollandaise, la simple existence de l’outil est un problème.

Alors que l’appel est en cours cet été 2025, le climat est électrique. D’un côté, les régulateurs multiplient les déclarations alarmistes. Ils parlent de terrorisme, de Corée du Nord, de menaces systémiques. De l’autre, les défenseurs de la vie privée crient à l’injustice. Vitalik Buterin lui-même a rappelé qu’il avait utilisé Tornado Cash pour des raisons de confidentialité personnelle, pour séparer ses dons publics de ses avoirs privés. Est-il lui aussi un criminel ? Est-ce que chaque utilisateur de coinjoin, de Whirlpool ou d’un bridge anonyme doit se dénoncer au poste ?

La vraie question n’est pas Tornado Cash. C’est le droit au silence. Le droit de ne pas être tracé. De ne pas devoir rendre compte de chaque transaction, chaque mouvement de fonds, chaque donation, chaque paiement. C’est le droit de vivre sans justification permanente. Et ce droit est en train d’être anéanti. Car pendant qu’Alexey Pertsev est jugé pour avoir codé un outil de vie privée, les banques qui blanchissent des milliards pour le cartel mexicain s’en tirent avec des amendes. Les gestionnaires de fonds qui ruinent des pays entiers par spéculation sont récompensés. Les plateformes centralisées qui fuient avec les dépôts des clients disparaissent dans la nature. Mais un développeur, lui, dort en cellule pour avoir écrit du Solidity.

Tornado Cash est un révélateur. Il montre le déséquilibre absurde entre les vrais criminels et les boucs émissaires du pouvoir. Il expose la peur profonde des États face à un monde financier qu’ils ne contrôlent plus. Car ce que Tornado Cash permettait, c’était un véritable anonymat algorithmique. Pas un anonymat de façade. Pas une pseudo-discrétion KYCée. Un anonymat brut, mathématique, fondé sur les zk-SNARKs et les contrats immuables. Et ça, le pouvoir ne le supporte pas.

Le précédent est là. Si la condamnation d’Alexey est confirmée en appel, alors tous les développeurs sont menacés. La liberté de coder sera conditionnée à l’obéissance. Il faudra prouver que votre code ne peut pas être utilisé “à mauvais escient”. On demandera aux programmeurs de mettre des portes dérobées, de limiter les usages, de filtrer les adresses. Le cauchemar d’un Internet sous surveillance totale se rapproche. Et avec lui, l’euthanasie lente de l’innovation décentralisée.

Les implications pour Bitcoin sont énormes. Car même si Tornado Cash tourne sur Ethereum, le message s’adresse à tout le monde. Aujourd’hui, on attaque un développeur Solidity. Demain, ce sera Rust, C++, Python… peu importe le langage. Ce qui est visé, c’est l’idée même d’un outil d’émancipation. Un outil qui échappe au contrôle. Un protocole qui ne demande pas la permission.

Et Bitcoin dans tout ça ? Il est dans le viseur. Pas en tant que monnaie spéculative – ça, Wall Street adore. Mais en tant que système de souveraineté totale. En tant que monstre impossible à réguler totalement. En tant que machine à désobéir. Aujourd’hui, on ne peut pas attaquer le protocole directement. Mais on peut s’en prendre à son écosystème. Aux mixers. Aux wallets non-KYC. Aux nodes mobiles. Aux développeurs bénévoles.

Le parallèle avec Samourai Wallet est évident. L’équipe a été arrêtée. Le backend de Whirlpool est dans le collimateur. La logique est identique : on accuse ceux qui permettent la vie privée d’en être responsables. On transforme l’outil en intention. Le code en complicité. Et pendant ce temps-là, le monde s’habitue. Il accepte. Il baisse les bras. “S’ils n’avaient rien à cacher...”

Mais ceux qui n’ont rien à cacher ont juste tout à perdre. Car une société sans vie privée est une société vulnérable. Une société où le pouvoir sait tout, voit tout, trace tout. Une société où chaque dissidence est visible. Où chaque contestation est fichée. Où l’auto-censure devient la norme. Voilà ce qu’ils veulent. Un peuple qui se surveille lui-même. Qui ne demande rien. Qui consomme, scrolle, paye ses impôts, et sourit dans les caméras.

Mais il reste des poches de résistance. Des développeurs anonymes. Des mineurs en solo. Des utilisateurs de wallets souverains. Des activistes du code. Des freaks, des paranoïaques, des fanas de la décentralisation. Et tant qu’il y aura ces gens-là, Bitcoin ne mourra pas. Tant qu’un seul coinjoin tournera. Tant qu’un seul UTXO sera mixé. Tant qu’un seul dev refusera de censurer son code.

Tornado Cash n’est pas une anomalie. C’est un champ de bataille. Un marqueur de la guerre en cours entre liberté et contrôle. Si Alexey tombe, c’est tout un pan du web libre qui bascule. Si le droit d’écrire du code disparaît, alors la désobéissance algorithmique devient impossible. Et sans désobéissance, il ne reste que l’obéissance. Le conformisme. L’extinction lente de tout ce qui dérange.

Alors non, Bitcoin n’est pas un investissement comme un autre. Il n’est pas un simple “numéro vert” dans ton application de trading. Il est un acte. Une posture. Une position face au monde. Et chaque fois que tu refuses de te soumettre au KYC, que tu envoies une transaction coinjoinée, que tu fais tourner ton node, que tu refuses la facilité centralisée, tu participes à cette résistance. Alexey a codé. Ils l’ont enfermé. Et toi ? Tu fais quoi ? Tu mixes ? Tu self-hostes ? Tu apprends ? Ou tu laisses faire ?

 

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